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Bloqués à Kalpa

Du 8 au 14 septembre,
 
 
Ci-dessous un extrait de carte pour vous situer le village de Kalpa, où nous avons été bloqués quelques jours. Seuls les petits bus reliant Kalpa à Rekong Peo, situé 7km plus bas, fonctionnaient. Les routes à l'Est, vers Nako, à l'Ouest, vers Shimla et celle menant à la vallée de Sangla étaient bloquées par de nombreux glissements de terrains.
 
Il pleut, c'est la tuile. On va prendre le petit déjeuner dans une cahute en bois. On y rencontre Eduardo, un argentin de 60 ans et très vite nous parlons en espagnol. On se régale avec ce bouddhiste sud américain qui est aussi un loup de mer. Il a construit un bateau avec son frère et à traversé l'Atlantique. Il a vécu 7 ans en Espagne où il a participé à la construction d'un monastère bouddhiste. Il nous informe qu'il y a deux jeunes espagnols qui voyagent à moto dans notre guest house. Nous nous proposons de manger ensemble à midi. Et à midi nous sommes un bon petit groupe: Eduardo, l'argentin, Martin et Pere, deux espagnols de Barcelone et nous, enchantés de deviser en castillan. On parle voyage. Les deux espagnols vont faire la Spiti à moto puis monter à Leh et descendre par Srinagar et la frontière pakistanaise. Eduardo compte se rendre à Daramsala. On rêve bateau et on s'exaspère de la pluie qui ne cesse de tomber. Le soir on se retrouve encore dans la salle de restaurant de l'hôtel central de Kalpa pompeusement nommé "le lotus bleu". On se quitte en se souhaitant bon voyage et en espérant un meilleur temps le lendemain.
 
 
Vue de Shimla le 8 septembre au soir, la pluie a un peu cessé,
mais nous flottons dans la brume et les nuages
 
 
Mais le lendemain matin, rebelote, il continue à pleuvoir, sans discontinuer. On retrouve Eduardo, Martin et Pere au lotus bleu pour le petit déjeuner. On passe du temps à écrire et on regrette de ne pas avoir le petit ordinateur pour pouvoir mettre à jour le site. J'ai fini mon dernier livre, ça commence à être long ce repos forcé dans ce village perdu. Nous faisons connaissance avec tous les voyageurs, qui comme nous se retrouvent au Lotus Bleu. Le soir j'achète un jeu de carte et nous passons la soirée à jouer au whist (dit aussi tarot africain).
 
 
Tarot africain à la bougie au lotus bleu, avec Eduardo, Martin et Pere

 
Pour arranger le tout il n'y a pas d'électricité. La pluie et l'humidité rendent l'atmosphère très froide. Rien ne sèche.
Nous commençons à être fatigués nerveusement. Les espagnols comptent partir le lendemain quel que soit le temps, Eduardo, plus stoïque, se dit prêt à patienter jusqu'au samedi car prendre un bus dans ces conditions lui semble dangereux. De notre côté, nous nous résolvons à ne pas aller visiter la vallée de Sangla et à prendre un bus de retour pour Shimla à 6h30 le lendemain.

Le lendemain, à 6h30, il pleut toujours et il n'y a pas de bus pour Shimla. Eduardo descend à Rekong Peo, il compte s'installer dans la ville et espère pouvoir plus facilement y trouver un bus pour s'échapper de la vallée. Nous rentrons dépités à la guest house reposer nos vélos et nous rendons en bus avec Efi, une voyageuse israélienne à Peo, "la ville". A l'office de tourisme de Peo on nous confirme les rumeurs de Kalpa: toutes les routes sont bloquées, tant pour aller à la Spiti d'où nous venons à l'Est que pour aller à Shimla à l'Ouest. Des glissements de terrain se sont produits à plusieurs endroits, bloquant complètement les voies. Nous sommes faits comme des rats à Kalpa! Mais c'est aussi le cas de tous les touristes de la vallée de Kinnaur, Spiti et ailleurs. Cette mousson tardive fait de gros dégâts. Les espagnols ont tenté de partir le matin mais se sont fait arrêtés par la police et sommés de rebrousser chemin: il y a eu de nombreux accidents et au moins un mort dû aux chutes de pierre sur la route. Nous marchons un peu dans Peo, mais il n'y a vraiment pas grand chose à faire dans cette petite ville, nous sommes vite trempés. Nous avons découvert une petite bibliothèque où nous pouvons parcourir un journal puis nous reprenons le bus vers Kalpa.
Il n'y a pas grand chose à faire non plus à Kalpa avec cette pluie incessante. Le soir nous mangeons en compagnie de Ram, le gérant de notre guest house, passablement éméché avec qui nous partageons une bouteille d'alcool de pomme local et "interdit" dans le restaurant qui n'a pas de licence.  Il nous amène son élixir dans une bouteille plastique et le dépose sous la table. Le début de la conversation est sérieuse à puis devient vite délirante. Tous les indiens qui tiennent l'hôtel restaurant sont saouls ce soir là.
 
 
Vue de Kalpa le 13 septembre: cela faisait 5 jours que l'on ne voyais pas les sommets!
 
 
 
L'équipe de Chindi bungalow:  Ram, John, Am, Efi, Pierre, Pere et Martin
 
Les deux jours suivants la pluie continuent inlassablement. Nous sommes résignés à attendre. Nous nous lions d'amitié avec plusieurs voyageurs bloqués comme nous. Deux américains et un italien sont revenus de Nako à Kalpa au péril de leur vie, en partie en bus, en 4*4 où à pieds en courant pour éviter les chutes de blocs. Grelotant, enroulés dans des couvertures, ils nous racontent leurs aventures sur cette route devenue apocalyptique. Nous nous trouvons finalement chanceux dans notre malheur. Un jour plus tard et nous aurions été bloqués dans un endroit encore plus isolé. 
Les espagnols ont réussi à dégotter un petit radiateur électrique. Le soir nous nous rassemblons dans leur chambre pour jouer au poker et faire sécher nos affaires. 
 
La pluie cesse enfin le 12 septembre. Nous espérons que cette journée suffira pour que les routes soient déblayées et prévoyons de partir le lendemain.
Une dernière péripétie va retarder notre départ. Le 13 au matin nous apprenons qu'il y a bien un bus direct pour Delhi qui part de Peo à 10h. Le temps de dire au revoir aux amis de Kalpa, nous enfourchons nos vélos et descendons à toute allure les 7 km qui nous séparent de la gare routière de Peo. Pressés d'arriver, Pierre néglige d'accrocher son sac à dos sur le porte bagage arrière et le porte de manière très inconfortable sur le dos. Il suit d'un peu trop près une voiture et n'a pas le temps de voir le nid de poule qui lui fait faire une belle chute dans le bas côté. Heureusement, plus de peur que de mal, il s'en sort avec un coup au genou et une grosse écorchure sur l'avant bras. Il faut tout de même nettoyer la plaie. Par chance nous sommes à moins de 100 mètres du petit hôpital ayurvédique de Peo. Le bras et le genou de Pierre sont recouverts de bétadine en crème et enrubannés de gaze et... nous avons loupé le bus. Nous passons une dernière journée d'attente à Rekong Peo, avant de pouvoir enfin prendre le lendemain un bus qui nous mène à Shimla.
 
 
Nous retrouvons Shimla et ses charmants primates, la boucle est bouclée
 
Le train qui va de Shimla à Kalka (début de la ligne Kalka Delhi) met 6h pour parcourir 90 km. Dans le sens Shimla Kalka c'est de la descente, alors, comme Pierre n'es pas dégouté des descentes, nous nous lancons dans cette étape qui va nous faire descendre de 2200 à 300 mètres et nous donnera vraiment l'impression de quitter l'Himalaya avant de rejoindre Delhi. On pourra aussi dire qu'en vélos nous avons été plus rapide que le train indien! Seulement 4 heures et demi sans compter les pauses.
 
Sur la route entre Shimla et Kalka, nous passons le petit village de Solam. Il y a une bifurcation un peu complexe, pas mal de circulation et je perd la trace de Pierre. Il y a deux routes qui vont à Kalka, laquelle a-t-il choisi? Je parcours quelques kilomètres, demande au passants, mais ils ne l'ont pas vu. Je commence à m'inquiéter. Au bout d'une vingtaine de minutes nous finissons par nous retrouver sur la route. Tous deux  aussi inquiets qu'énervés nous évacuons la tension par un échange fort en décibel. Pendant que nous nous engueulons, un homme vient nous épier sans aucune discrétion et nous sourit. "C'est pas possible! Il se fout de nous! De quoi il se mêle? Il peut pas nous laisser tranquille! Il voit pas que l'on est sur les nerfs?" Voilà à peu près ce que nous pensons de cet importun, Pierre le fusille du regard, mais ça ne le décourage pas. Il s'approche de nous, et avant que l'on ait eu le temps de parler, il se présente gentiment, nous dit qu'il est professeur de taïkwendo et qu'il veut nous offrir un café. Nous sommes décontenancés coupés dans notre colère et finalement très amusés. Décidément, il n'y a qu'en Inde que l'on peut rencontrer des personnes aussi curieuses et tenaces, qui n'hésitent pas à vous interrompre dans une dispute parce qu'ils ont très envie de connaître votre nom et votre pays. Finalement nous buvons un délicieux café, à l'indienne, avec beaucoup de lait et beaucoup de sucre avant de reprendre la route. 
 
 
Avec Shirish et son fils

Nous arrivons assez tôt à Kalka (ne pas confondre avec Kalpa) pour réserver un train de nuit pour Delhi. Cette fois nous quittons vraiment l'Himalaya.