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On Thrace jusqu'à Istanbul

Du 18 au 22 mai,

Rien n'a changé pour l'instant, ce sont les mêmes champs de blés qui défilent. Seules les mosquées dans les villages nous indiquent que l'on est passé de la Thrace Bulgare à la Thrace Turque. Notre première rencontre près de Lalapasa n'est pas la plus sympathique, un automobiliste nous suit de manière louche puis s'arrête ostensiblement dans une ligne droite. Il nous propose du haschisch. Bon. Dans les villages que nous traversons nous sommes surpris, voire déstabilisés, par les nombreux saluts que nous envoient les hommes devisant sur les terrasses ainsi que par les coups de klaxons des automobilistes qui nous croisent. Finalement c'est un sacré changement en rapport de l'attitude plus réservée des bulgares.

Un continuel vent de face rend notre avancée pénible. Nous continuons à pédaler jusqu'à Süloglu où nous espérons trouver un peu d'eau. Là encore, des hommes se baladent, prennent le frais sur les terrasses. Un homme marche, une rose à la main, dont il hume de temps en temps le parfum. Quelle classe! Il nous invite à venir prendre le thé. Ce sera le premier d'un longue série. Rapidement un groupe se constitue autours de nous. Assis autours d'une table, nous discutons par signes sortons notre carte et expliquons notre itinéraire. On nous dissuade de prendre les petits chemins par lesquels nous envisagions de rejoindre Kilklareli: nous risquons de nous trouver nez-à-nez avec des chiens méchants. La façon dont on nous mime les chiens, une gueule formée par les deux mains accolées qui s'ouvre et se referment avec de sonores "ouah ouah", ne nous fait pas hésiter à prendre le plus long, mais plus sûr itinéraire. Moi qui ne crains rien tant que ces gros canidés qui sont prêts à vous dévorer les mollets, je suis infiniment reconnaissante de ces précieux conseils. Si nous nous hâtons nous pourrons rejoindre un endroit où camper avant la nuit. On nous fait comprendre que le thé nous est offert, on nous remplit les bouteilles d'eau, et l'un des hommes se propose même de nous accompagner pour nous montrer la route. Nous sommes comblés par tant de gentillesse spontanée. L'un des hommes nous offre sa rose avec beaucoup d'élégance. Nous suivons la mobylette qui nous guide sur le bon chemin, et continuons à la nuit tombante. Malgré notre allégresse et la bonne vitesse que nous atteignons sur cette belle route, le vent ayant baissé et la température étant idéale, nous n'atteignons pas le camping promis. Nous trouvons avec quelques difficultés deux mètres carrés occupables entre deux champs de blé. Le coucher de soleil est splendide sur cette étendue céréalière dorée.

 

Bivouac dans les blés.

 

Comme nous empiétons un peu sur un chemin que doivent emprunter les agriculteurs, nous décidons de nous lever tôt pour lever le camps et de prendre un petit déjeuner sur la route. Nous partons le lendemain à 7h. La journée suivante nous maintenons le même rythme, lever aux aurores et coups de pédales jusqu'à l'aube. Le vent de face nous épuise.
Nous nous arrêtons prendre un thé dans un village. La terrasse où nous nous asseyons n'est occupée que par des hommes, ce qui est courant. J'y passe un très mauvais moment. Tous les hommes viennent discuter avec Pierre, lui serrer la main et m'ignorent totalement. Un des hommes demandera simplement à Pierre si je suis sa femme et s'assiéra devant lui en me tournant le dos pour lui raconter qu'il a fait un séjour en France à Bordeaux. J'ai très envie de quitter cette terrasse où cette attitude si différente des coutumes occidentales me révolte. Nous sommes tombés dans un endroit très traditionaliste. Heureusement, ça ne se passe pas toujours de cette façon.  Impossible de payer, encore une fois quelqu'un nous a offert le thé. Devant nous défilent des écoliers turcs en uniforme. Aujourd'hui c'est le jour de fête de la jeunesse et des sport et aussi celui de la commémoration d'Ataturk (le fondateur de l'état turc).

 Partout des portraits d'Ataturk.

A Kirklareli, où nous nous réapprovisionnons,  on nous offre encore du thé et des conseils qui s'avèreront très pertinents sur la route à emprunter pour entrer dans Istanbul. C'est que l'on a rencontré un ingénieur chargé de la construction des routes en Turquie qui connais bien son affaire. Nous commençons à nous interroger sur la qualité de l'eau des fontaines que nous rencontrons. Très fatigués par le vent et les journées intenses, nous décidons de prendre un peu de repos à Vize où nous arrivons le lendemain midi. Après une douche bienfaisante et une sieste toute aussi jubilatoire l'après-midi est consacrée à une visite de la ville. Nous marchons jusqu'aux les ruines d'un théâtre antique et aux anciens murs de la cité. Nous nous arrêtons près d'une très jolie mosquée restaurée dénommée AyaSofya comme sa grande sœur d'Istanbul.

 Ayasofya de Vize, une église transformée en mosquée.

Des enfants à qui nous demandons notre chemin veulent nous guider en échange de "money, money". Cette premiere sensation de tourisme aggressif nous attriste. Heureusement ce n'est absolument pas la mentalité dominante dans la petite ville. Par exemple le marchand de fruit ne nous laisse pas acheter les petites prunes acidulées que nous avons choisies, il nous les offre. La barrière de la langue? Quelle importance! Il nous offre un thé dans sa boutique et nous entretenons un dialogue de mimiques amicales. Il souhaiterait même nous accompagner avec sa voiture pour découvrir la ville. Au retour à l'hôtel où nous avons décidé de passer une nuit nous rencontrons un couple d'anglais et cinq de leurs amis turcs. Nous sommes encore invités à prendre un thé et à discuter cordialement. Le monsieur anglais nous explique qu'il travaillait pour une usine de sous vêtements féminins qui fabriquait ses produits en Turquie. Il est venu plusieurs fois pour affaires à Vize et revient maintenant par amitié. Nous sommes surpris qu'après tant d'années il ne sache pas dire bonjour en turc. Le soir nous sortons manger et nous arrêtons dans ce qui doit être une communeauté liée à une mosquée. Les hommes d'un côté préparent des repas (köfte, kebab), les femmes de leur côtés font des patisseries et de la couture. Nous sommes servis comme des rois, nous acceptons un dessert et on nous apporte 12 baklavas. Quiconque a gouté cette friandise allant au delà de toute decense en matière de sucre comprendra ce qu'une telle quantité de glucides représente. Nous ne souahitons pas vexer et dévorons toutes les patisserie. Aucune excuse pour les prochaines journées de vélo. Du thé, des graines de tournesol à grignoter et un loukoum clôturent le tout. Nous nous entrenons plus particulièrement avec un jeune homme d'une grande douceur et avec une jeune femme turque qui parle anglais et traduit pour nous. En fait, elle s'adresse plutôt à moi. Il nous annoncent qu'ils sont mariés. Nous sommes un peu surpris. Pourquoi nous disent-ils ça? Et que faut-il répondre? Nous échafaudons plusieurs hypothèses. Il s'agit peut être d'une question déguisée pour savoir si nous le sommes aussi? Pierre a peut -être parlé à la jeune femme en la regardant, alors qu'elle ne s'adressait directement qu'à moi ce qui l'a génée et à déclenchée cette "mise au point"? Mystère. Nous n'avons pas fini d'être surpris par les moeurs orientales. Les turcs en tous cas sont destabilisants de gentillesse et d'hospitalité.