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TURQUIE

Istanbul, va-t-on rester à la porte de l'Orient?

Du 22 mai au 2 juin,

Arrivée surprise

Après notre arrêt à Vize, nous pensons passer encore deux nuits en bivouac avant d'atteindre Istanbul. Notre route traverse une grande forêt exploitée ce qui explique le nombre de camions que nous croisons. Un petit chemin forestier nous permet de nous échapper dans un champ de fougères pour un soir. On peut même apercevoir Istanbul au loin. Le lendemain nous pensons bivouaquer 30 km avant la ville mythique, ce qui nous permttrait d'envisager l'entrée dans la ville sereins, au matin. C'est oublier les dimensions de cette mégalopole, 30km avant le centre d'Istanbul nous sommes déjà dans sa banlieue.
 
Mosquée de banlieue
 
Le trafic s'intensifie, où trouver un bivouac? La meilleure possibilité qui s'offre à nous est un terrain vague en bordure d'une voie express accoudé à un terrain militaire et peuplé de chiens errants... Décidément non, tant pis, on modifie nos plans, on continue et on verra bien. Les panneaux ne sont pas très clairs et nous n'avons pas de plan couvrant la ville et sa banlieue. A un carrefour nous sommes un peu hésitants. Nous demandons quelle est la route que nous devons prendre pour rejoindre le centre d'Istanbul à un homme qui semble travailler sur un chantier en bord de route. Ça ne manque pas, il nous invite à prendre le thé. Nous sommes un peu embêtés et hésitons, car le soleil est déjà bas et on ne souhaite pas continuer de nuit dans la banlieue d'Istanbul. On accepte finalement en se disant qu'il ne faudra pas traîner et il nous entraine dans un algeco où il loge. Il nous explique que le chantier est terminé pour aujourd'hui, qu'il est le  gardien et qu'il va passer la nuit là; tout ça en turc et avec les mains. Il sort des biscuits, du fromage, des tomates et propose de nous faire à manger. Nous refusons, un peu stressés par le jour qui décline. Un jeune collègue du chantier nous rejoint, il parle anglais et nous rend un fier service en nous indiquant le chemin grâce à une carte interactive de la ville sur Internet. Nous notons toutes les directions successives à prendre. Nous ne regretterons pas ce thé! Nous reprenons les vélos un peu moins perdus et entamons les 20km qui nous séparent du quartier de Sultanhamet. Cette entrée inattendue dans la ville au soleil couchant est merveilleuse. Je ressens une grande exaltation et un grisant sentiment de liberté en me glissant au cœur d'Istanbul à vélo. Déjà l'atmosphère bouillonnante de la ville nous envahit. Nous sommes arrivés un jour plus tôt que prévu et il est trop tard pour contacter Umut, qui nous a  proposé de nous héberger. Nous nous perdons donc dans le quartier populaire de Fatih et passons une nuit dans un petit hôtel délabré.

Rencontre avec Umut

C'est samedi, on va trouver une connexion Internet pour prendre contact avec Umut. Les vélos chargés deviennent vite encombrants dans le centre d'Istanbul, on s'installe donc dans un café qui propose un accès WIFI. Ce café est un petit paradis. Il faut imaginer les murs recouverts de tapis, tentures, et objets orientaux, ajouter des coussins négligement disposés qui assurent un confort moelleux, rajouter à tout celà une terrasse ombragée et fleurie avec vue sur la mer de Marmara, déposer ça et là, juste pour le plaisir une paire de jumelles, pour observer les bateaux ou les oiseaux, un jeu d'échec, de cartes, ou un narguilé, enfin sublimer le tout par de la bonne musique. On pourrait y rester toute la journée. C'est dans le quartier de Sultanhamet que l'on trouve ce genre d'endroit. Pour nous c'est le quartier "bobo" d'Istanbul. On gardera un souvenir agréable de cet endroit et de son propriétaire, un vieux turc l'air sage et rusé, accueillant. Nous avons rendez-vous avec Umut à l'entrée du bazar aux épices. L'endroit et très touristique et les serveurs des terrasses se livrent à des luttes verbales acharnées pour assurer une occupation maximale de leur tables. Le marché aux épices est aussi un régal pour les yeux: loukoums colorés, fruits secs, thés et épices rangés dans de superbes étals. Malheureusement le commerce touristique assez agressif qui s'y joue me le rend moins agréable. Il faut être en forme pour aller affronter les vendeurs survoltés qui vous hèlent dans toutes les langues. C'est dans cette ambiance que nous rencontrons Umut et sa copine Olga, originaire de Pologne. Nous prenons ensemble le bateau pour nous rendre sur la partie orientale d'Istanbul, dans le quartier de Kadikoy où Umut vit en collocation avec  Iman, designer informatique et Andrea, un étudiant hongrois Erasmus en design industriel. Kadikoy est un quartier moins touristique mais très vivant que nous prenons beaucoup de plaisir à découvrir.
 
Première traversée du Bosphore!
 
Nous discutons et faisons connaissance autours de thés puis d'un bon plat de pâtes. Umut est ingénieur et vérifie sur plan la conformité de bâtiments publics. Il est généreux, impulsif, touche-à-tout, c'est un véritable plaisir d'échanger avec lui. Il a déjà hébergé quelques mois auparavant un couple de cyclistes (à vélo couché) français autours du monde. Olga l'a rejoint en Turquie, où elle travaille comme professeur d'anglais dans un collège privé. Apparemment l'ambiance n'y est vraiment pas bonne. Les professeurs ne paraissent pas avoir beaucoup d'autonomie et sont tenus d'être présents dans l'établissement hors de leurs heures de cours.
 
Umut fait une démonstration de son appareil photo artisanal à Andréa
 
Le dimanche, après un fastueux petit déjeuner de crèpes nous partons à vélo (non chargés!), avec Umut (Olga est malheureusement malade) à la découverte de sa ville. Visite hors des sentiers les plus communs, nous longeons le Golden Horn (la rivière qui se jette dans le Bosphore). Sur la pelouse des familles pique-niquent autours de barbecues.
 
 Balade à vélo le long du Golden Horn
 
Nous passons par un quartier très animé, Umut nous confie qu'il aimerait y habiter mais que c'est très difficile pour un non pratiquant car c'est aussi un endroit très religieux. Certaines femmes accompagnent leurs époux entièrement cachées sous des burkas noires. Selon Umut ces familles ultra-islamistes sont de plus en plus présentes à Istanbul. Nous nous arrêtons dans deux  mosquées. L'ambiance y est vraiment vivante et familiale. Certaines salles sont utilisées par des associations qui y présentent des créations artisanales. Dans la cours les hommes discutent en faisant leurs ablutions rituelles (lavage des pieds et de certaines parties de la tête), les enfants jouent. Certains petits garçons sont déguisés en sultans blancs et or. Umut nous explique que c'est la tenue qu'on porte le jour de sa circoncision. Plusieurs couples fraîchement mariés passent devant nous. Je suis étonnée par l'ambiance qui règne dans cette mosquée, véritable lieu de vie social.
 

Vivante mosquée du sultan Eyup
 
 
Nous visitons aussi une église bulgare orthodoxe, l'église de St Stephen qui a la particularité d'être toute en métal. Le sultan avait à l'époque autorisé la construction d'une église mais à la condition qu'elle soit bâtie discrètement et rapidement. Les ingénieux bulgares ont fait venir depuis l'Autriche l'église en "kit".
Nous gagnons de la hauteur et allons prendre un thé au fameux café Pierre Loti du nom de l'écrivain français du XIXeme siècle, fasciné par l'Orient. Il avait pris ses habitudes dans ce lieu d'où l'on a une superbe vue sur Istanbul. C'est pour nous l'occasion de discuter avec Umut qui nous donne son point de vue plutôt pessimiste sur différents aspects de la société turque. La Turquie, bien qu'ayant été déclarée laïque lors de sa création par Mustafa Kemal dit Ataturk, ne l'est pas dans les faits. L'appartenance religieuse est par exemple mentionnée sur la carte d'identité des citoyens turcs. Par ailleurs, selon lui, la Turquie s'islamise de plus en plus. Des cours d'Islam sont à nouveau au programme de l'école publique, les écoles coraniques sont en plein essor et les hommes politiques donnent des meetings dans les mosquées. Un peu comme en France, la tendance est la diminution des acquis sociaux : retard de l'age de départ en retraite et allongement de la durée des cotisations, dégradation de la couverture santé... Mais au grand désespoir d'Umut, cela ne provoque aucune réaction de la population, il nous dit: "après avoir placé leur bulletin dans l'urne, les Turcs se contentent de prier cinq fois par jour et ne voient pas les actes du gouvernement qu'ils ont élu". Il y a très peu de monde dans les manifestations. Il faut dire qu'elles sont durement réprimées par une police qui fait peur car elle a tous les droits : coups de matraque, passages à tabac au poste et incarcérations arbitraires seraient monnaie courante. De plus, en Turquie, on est présumé coupable! Pendant notre semaine à Istanbul, les cinquante principaux dirigeants d'un syndicat de travailleurs on été arrêtés et envoyés en prison sans réel motif! Plus puissant que de la police et que les hommes politiques, en Turquie, il y aurait l'armée, les "jandarmas" capables de reprendre la main à n'importe quel moment. Le dernier coup d'Etat remonte à 1980. L'armée a un budget pharaonique. Nous avons pu constater que les bases militaires sont immenses et très nombreuses tant ont en a longées sur nos vélos.
 
Vue sur le Golden Horn et une partie d'Istanbul depuis le café Pierre Loti
 
Sur le retour nous nous arrêtons manger un köfte en bordure du Golden Horn. Umut nous explique que les maisons autours de nous appartenaient pour la plupart à des grecs qui ont été "déplacés" sous la présidence de Mustafa Kemal. En effet en 1923, suite au traité de Lausanne qui fixe les frontières du nouvel état turc, plus d'un million de grecs ont été "renvoyés chez eux" tandis que près de 500000 musulmans ont été rapatriés en Turquie. Les traces de cet "échange" massif de population sont parfois encore visibles. Les maisons abandonnées et délabrées qui nous environnent en sont un triste témoignage.
 
Fin de journée sur le Galata Bridge

 
Une semaine plus visa que visite

A Istanbul nous comptons faire des démarches pour obtenir nos visas iranien et indien. En effet les durées de validité ne nous permettaient pas de les demander en France avant de partir.
Ces démarches se révèlent être un véritable parcours du combattant digne de la maison des fous d'Astérix, elles nous font prendre de petites habitudes à Istanbul: tous les jours nous partons tôt pour être à l'ouverture des ambassades. Sur notre chemin nous nous arrêtons à une boulangerie qui confectionne de délicieux petits pains, natures ou fourrés au fromage, aux olives, recouverts de graines de sésame. Les employés nous connaissent et nous font cadeau d'un petit pain supplémentaire chaque jour. Nous prenons ensuite le bateau pour traverser le Bosphore et nous rendre sur la rive Occidentale. La traversée dure vingtaine de minutes, juste le temps pour déguster un verre de thé. Selon Umut c'est sur le bateau que l'on boit le meilleur thé de tout Istanbul et selon nous c'est depuis le Bosphore que l'on profite le mieux de la beauté de la ville. Le soir nous reprenons ce merveilleux métro flottant. Nous passeront une semaine ainsi, hésitant entre deux continents.
 
 
Le thé, moment délicieux sur le bateau
 
A l'attention des voyageurs qui pourraient nous lire, voici un petit résumé de nos démarches:

Pour le visa indien, le consulat indien d'Istanbul demande deux photos, 50 US dollars (pas d'euros) et une lettre de recommandation du consulat de France. Le consulat de France, comme apparemment toutes les autres ambassades françaises dans le monde ne fait plus cette lettre pour les français de passage depuis deux ans. Il peut cependant faire une lettre attestant qu'il ne fait pas de lettre de recommandation! Cette attestation est normalement insuffisante mais en insistant un peu (nous avons demandé à parler directement avec le vice-consul) ça peut suffire. Il faut ensuite 4 jours ouvrables une fois que le dossier complet pour obtenir le visa. Pour info, le consulat n'est ouvert pour déposer les dossiers que de 9h30 à 11h30.

Pour le visa iranien le consulat d'Iran à Istanbul demande de passer par le site internet iranianvisa.com qui est censé délivrer sous 10 jours un numéro d'autorisation qui permet de retirer un visa en un ou deux jours depuis l'une des quatre villes suivantes: Erzerum, Istanbul, Ankara ou Trabzon. Nous avons déposé un dossier sur ce site pour retirer le visa à Erzerum. Mais, après avoir enregistré notre demande ils nous ont annoncé par mail que le délai total n'était plus de 11 jours mais d'1 mois et demi!!! Comme ces délais n'étaient pas acceptables pour nous, nous avons demandé d'annuler notre demande, ce à quoi ils ont répondu par un mail que l'on pourrait qualifier d'intimidant. Selon eux, une fois que la démarche est engagée il faut aller jusqu'au bout au risque de se voir "fiché" au ministère des affaires étrangères iranien et d'avoir des problèmes à la frontière.
Nous sommes alors allé à Ankara. En une journée nous avons obtenu un visa (2 photos, 60 euros à déposer à la banque à côté de l'ambassade et toujours la fameuse lettre récupérée à l'ambassade de France expliquant qu'ils ne font plus de lettre de recommandation).  Il faut là encore discuter pour justifier l'absence de cette lettre de recommandation. Nous avions téléphoné avant et ça a eu l'air de peser dans la balance. Le visa que l'on nous a délivré est seulement de 15 jours prolongeable sur place.
Concernant le site iranianvisa nous avons eu l'impression que c'était une arnaque (30 euros supplémentaire pour un délai plus long) et qu'en plus ils pratiquent une intimidation malhonnête (ils ne nous ont plus donné signe de vie depuis qu'on leur a dit que l'on avait obtenu un visa à Ankara, alors qu'ils ne cessaient de nous relancer pour que l'on paie).


Istanbul hors des ambassades

Nous avons tout de même eu un peu le temps de profiter de différents quartiers de la ville plus ou moins touristiques.
 

 
Café bobo à Sultanhamet
 

 
Dessin à interpréter... à Sultanhamet
 

 
Istiklal street, la grande rue commerçante de Taksim
 

 
Mosquée bleue
 

 
Christianisme et Islam mêlés dans Sainte Sophie
 

 
Croix sous les motifs orientaux à Sainte Sophie
 
 
Nouvelle mosquée
 
Nous traversons aussi le quartier de Fathi, subdivisé en sous-quartiers spécialisés dans le travail du cuir, la fabrique de tissus, la confection de vêtements, la cordonnerie. 
 
Pendant deux jours, Anne-Marie est restée clouée au canapé par une tourista foudroyante. Umut et Olga se sont alors mis en quatre pour essayer de la soulager, en allant chercher des médicaments, en cuisinant du riz blanc... Merci beaucoup à eux!
 
Riz blanc pour tout le monde...
 
Nous ne voulions pas nous laisser choyer passivement alors un soir, nous leur avons fait la cuisine. Nous commençons par un petit tour au  bazar de Kadikoy guidé par Umut dans les allées de ce marché en plein air couvert de tentures où l'on vend des fruits et légumes en grande quantité : "onion, not less than one kilo or they will kill you". Petit à petit nous confectionnons notre menu : côtes d'agneau avec de la ratatouille, salade verte et clafoutis.  En faisant cuire ce dernier dans leur petit four, catastrophe, nous avons fait fondre la bouilloire et la petite friteuse qui étaient posées dessus... De quoi ternir la réputation des français dans une cuisine...
Le week-end a aussi été l'occasion de faire découvrir l'escalade à Umut et Olga dans un site près d'Istanbul. Visiblement Umut a apprécié et cherchait à s'acheter des chaussons après la séance.
 
Umut et Olga en bas de la voie
 
Nous avons été tellement bien accueillis que nous en étions presque gênés. Lorsque nous partons d'Istanbul, après avoir obtenu notre visa indien, Umut nous accompagne à la gare et nous le quittons avec beaucoup d'émotion.
 
Hope to see you other time in Turkey or in France, you will be welcome Umut and Olga!
 

On Thrace jusqu'à Istanbul

Du 18 au 22 mai,

Rien n'a changé pour l'instant, ce sont les mêmes champs de blés qui défilent. Seules les mosquées dans les villages nous indiquent que l'on est passé de la Thrace Bulgare à la Thrace Turque. Notre première rencontre près de Lalapasa n'est pas la plus sympathique, un automobiliste nous suit de manière louche puis s'arrête ostensiblement dans une ligne droite. Il nous propose du haschisch. Bon. Dans les villages que nous traversons nous sommes surpris, voire déstabilisés, par les nombreux saluts que nous envoient les hommes devisant sur les terrasses ainsi que par les coups de klaxons des automobilistes qui nous croisent. Finalement c'est un sacré changement en rapport de l'attitude plus réservée des bulgares.

Un continuel vent de face rend notre avancée pénible. Nous continuons à pédaler jusqu'à Süloglu où nous espérons trouver un peu d'eau. Là encore, des hommes se baladent, prennent le frais sur les terrasses. Un homme marche, une rose à la main, dont il hume de temps en temps le parfum. Quelle classe! Il nous invite à venir prendre le thé. Ce sera le premier d'un longue série. Rapidement un groupe se constitue autours de nous. Assis autours d'une table, nous discutons par signes sortons notre carte et expliquons notre itinéraire. On nous dissuade de prendre les petits chemins par lesquels nous envisagions de rejoindre Kilklareli: nous risquons de nous trouver nez-à-nez avec des chiens méchants. La façon dont on nous mime les chiens, une gueule formée par les deux mains accolées qui s'ouvre et se referment avec de sonores "ouah ouah", ne nous fait pas hésiter à prendre le plus long, mais plus sûr itinéraire. Moi qui ne crains rien tant que ces gros canidés qui sont prêts à vous dévorer les mollets, je suis infiniment reconnaissante de ces précieux conseils. Si nous nous hâtons nous pourrons rejoindre un endroit où camper avant la nuit. On nous fait comprendre que le thé nous est offert, on nous remplit les bouteilles d'eau, et l'un des hommes se propose même de nous accompagner pour nous montrer la route. Nous sommes comblés par tant de gentillesse spontanée. L'un des hommes nous offre sa rose avec beaucoup d'élégance. Nous suivons la mobylette qui nous guide sur le bon chemin, et continuons à la nuit tombante. Malgré notre allégresse et la bonne vitesse que nous atteignons sur cette belle route, le vent ayant baissé et la température étant idéale, nous n'atteignons pas le camping promis. Nous trouvons avec quelques difficultés deux mètres carrés occupables entre deux champs de blé. Le coucher de soleil est splendide sur cette étendue céréalière dorée.

 

Bivouac dans les blés.

 

Comme nous empiétons un peu sur un chemin que doivent emprunter les agriculteurs, nous décidons de nous lever tôt pour lever le camps et de prendre un petit déjeuner sur la route. Nous partons le lendemain à 7h. La journée suivante nous maintenons le même rythme, lever aux aurores et coups de pédales jusqu'à l'aube. Le vent de face nous épuise.
Nous nous arrêtons prendre un thé dans un village. La terrasse où nous nous asseyons n'est occupée que par des hommes, ce qui est courant. J'y passe un très mauvais moment. Tous les hommes viennent discuter avec Pierre, lui serrer la main et m'ignorent totalement. Un des hommes demandera simplement à Pierre si je suis sa femme et s'assiéra devant lui en me tournant le dos pour lui raconter qu'il a fait un séjour en France à Bordeaux. J'ai très envie de quitter cette terrasse où cette attitude si différente des coutumes occidentales me révolte. Nous sommes tombés dans un endroit très traditionaliste. Heureusement, ça ne se passe pas toujours de cette façon.  Impossible de payer, encore une fois quelqu'un nous a offert le thé. Devant nous défilent des écoliers turcs en uniforme. Aujourd'hui c'est le jour de fête de la jeunesse et des sport et aussi celui de la commémoration d'Ataturk (le fondateur de l'état turc).

 Partout des portraits d'Ataturk.

A Kirklareli, où nous nous réapprovisionnons,  on nous offre encore du thé et des conseils qui s'avèreront très pertinents sur la route à emprunter pour entrer dans Istanbul. C'est que l'on a rencontré un ingénieur chargé de la construction des routes en Turquie qui connais bien son affaire. Nous commençons à nous interroger sur la qualité de l'eau des fontaines que nous rencontrons. Très fatigués par le vent et les journées intenses, nous décidons de prendre un peu de repos à Vize où nous arrivons le lendemain midi. Après une douche bienfaisante et une sieste toute aussi jubilatoire l'après-midi est consacrée à une visite de la ville. Nous marchons jusqu'aux les ruines d'un théâtre antique et aux anciens murs de la cité. Nous nous arrêtons près d'une très jolie mosquée restaurée dénommée AyaSofya comme sa grande sœur d'Istanbul.

 Ayasofya de Vize, une église transformée en mosquée.

Des enfants à qui nous demandons notre chemin veulent nous guider en échange de "money, money". Cette premiere sensation de tourisme aggressif nous attriste. Heureusement ce n'est absolument pas la mentalité dominante dans la petite ville. Par exemple le marchand de fruit ne nous laisse pas acheter les petites prunes acidulées que nous avons choisies, il nous les offre. La barrière de la langue? Quelle importance! Il nous offre un thé dans sa boutique et nous entretenons un dialogue de mimiques amicales. Il souhaiterait même nous accompagner avec sa voiture pour découvrir la ville. Au retour à l'hôtel où nous avons décidé de passer une nuit nous rencontrons un couple d'anglais et cinq de leurs amis turcs. Nous sommes encore invités à prendre un thé et à discuter cordialement. Le monsieur anglais nous explique qu'il travaillait pour une usine de sous vêtements féminins qui fabriquait ses produits en Turquie. Il est venu plusieurs fois pour affaires à Vize et revient maintenant par amitié. Nous sommes surpris qu'après tant d'années il ne sache pas dire bonjour en turc. Le soir nous sortons manger et nous arrêtons dans ce qui doit être une communeauté liée à une mosquée. Les hommes d'un côté préparent des repas (köfte, kebab), les femmes de leur côtés font des patisseries et de la couture. Nous sommes servis comme des rois, nous acceptons un dessert et on nous apporte 12 baklavas. Quiconque a gouté cette friandise allant au delà de toute decense en matière de sucre comprendra ce qu'une telle quantité de glucides représente. Nous ne souahitons pas vexer et dévorons toutes les patisserie. Aucune excuse pour les prochaines journées de vélo. Du thé, des graines de tournesol à grignoter et un loukoum clôturent le tout. Nous nous entrenons plus particulièrement avec un jeune homme d'une grande douceur et avec une jeune femme turque qui parle anglais et traduit pour nous. En fait, elle s'adresse plutôt à moi. Il nous annoncent qu'ils sont mariés. Nous sommes un peu surpris. Pourquoi nous disent-ils ça? Et que faut-il répondre? Nous échafaudons plusieurs hypothèses. Il s'agit peut être d'une question déguisée pour savoir si nous le sommes aussi? Pierre a peut -être parlé à la jeune femme en la regardant, alors qu'elle ne s'adressait directement qu'à moi ce qui l'a génée et à déclenchée cette "mise au point"? Mystère. Nous n'avons pas fini d'être surpris par les moeurs orientales. Les turcs en tous cas sont destabilisants de gentillesse et d'hospitalité.

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