TURQUIE
Toujours plus à l'Est de Diyarbakir à la frontière iranienne
Du 25 juin au 7 juillet,
C'est Eray qui nous avait convaincus de passer par le Sud de la Turquie. Puisque nous avions obtenu notre visa iranien à Ankara, en évitant le site iranianvisa, rien ne nous obligeait maintenant à passer par le consulat d'Erzurum. Par ailleurs, nous envisagions sérieusement un plan B en cas d'impossibilité de passer par l'Iran: pourquoi ne pas continuer notre petit tour de Méditerranée en descendant par la Syrie puis le Liban?
Toute la suite de notre périple en Turquie (et même en Iran jusqu`a Ouroumieh) se déroule dans un territoire peuplé majoritairement de Kurdes qui sont majoritairement sunnites comme les Turcs. La Turquie, qui est le pays où la minorité est la plus présente, a toujours réprimé l'affirmation de l'identité kurde. Le PKK, parti des travailleurs du Kurdistan, est une organisation armée en conflit avec le gouvernement turc depuis 1978, ses demandes originelles d'indépendance se sont muées plus récemment en volonté d'autonomie au sein d'un état fédéral. On a pu constater une présence militaire turque renforcée dans toute la zone que l'on a traversée. Les kurdes que nous avons rencontrés se présentaient comme kurdes et non turcs, on sentait l'attachement très fort de ce peuple a sa langue et son identité.
Carte du territoire à majorité kurde
Nous voici donc à Diyarbakir, capitale kurde de l'Est anatolien. Mal aimée du gouvernement turc, la ville nous semble plutôt déshéritée. Elle renferme pourtant quelques richesses architecturales, peu mises en valeur. Nous les découvrons en compagnie de Kader, qui nous aborde dans la rue et passe avec nous toute une après-midi. Il nous conduit d'abord en haut des remparts. Ce sont d'épaisses murailles de basalte noir construites au IVème siècle, pour protéger la ville, mais qui tombent en ruines à plusieurs endroits. La montée est d'ailleurs assez périlleuse... En France on aurait installé un parapet ou interdit l'accès.
En haut des remparts de Diyarbakir avec Kader
Depuis les remparts nous énumérons les minarets, ces fines flèches qui pointent les nombreuses mosquées de la ville. Kader ne parle pas anglais. Peu importe. Nous nous asseyons tous les trois, il nous propose de partager une cigarette (parfois je regrette de ne pas fumer, tant cette mauvaise habitude permet de lier des conversations à l'Est) et nous donne notre première leçon de kurde. "Rojbas" pour bonjour, "Spas" pour merci, ça nous sera utile. Nous le suivons ensuite dans les petites rues jusqu'à la mosquée Behram Pasa, puis à la Grande Mosquée. C'est ensuite nous qui l'invitons à boire un thé dans le han de la ville. Qu'est-ce-qu'un han? C'est une place qui servait aux commerçants empruntant la route de soie à entreposer leurs marchandises. Ils étaient hébergés dans les caravansérails. Le han de Diyarbakir a été judicieusement reconverti en place commerçante où il fait bon prendre son temps et prendre son thé. Première démonstration d'hospitalité kurde.
Han de Diyarbakir
Nous restons deux jours dans cette ville et passons beaucoup de temps sur Internet: recherche d'informations et de contacts en Iran, suivi de l'actualité iranienne, renseignements auprès des ambassades, possibilités de passage par d'autres pays, contact avec les compagnies de cargos... Nous sommes préoccupés et hésitants quant à la suite de notre voyage. Une chose est sûre, nous n'avons pas envie de rebrousser chemin et de revenir prendre un avion à Istanbul.
Il fait une chaleur étouffante et durant toute une journée le ciel de Diyarbakir se colore d'une teinte orange. Le phénomène est courant, c'est la conséquence de tempêtes de sable qui viennent de Syrie. Le soir dans la rue les hommes mangent des kébabs sur de petit tabourets dans la rue. Nous en faisons autant. Nous découvrons aussi lors de notre passage une délicieuse spécialité: le kaburga dolmasi (côtes d'agneau farcies).
Enfin nous reprenons les vélos, dans la soirée vers 18h. Nous comptons bivouaquer près de la route pour Mardin. Le paysage est plat, vibrant de chaleur, des champs de blés brûlés ou déjà fauchés sont notre unique horizon. Nous n'avons pas le choix et nous installons pour la nuit sur la terre dure et craquelée d'un des champs fauchés à l'écart de la route.
Bivouac dans le champ de blé
Réveil difficile, après une nuit de cauchemar, je suis malade. Le début de la route est un calvaire, il doit être à peine 8h mais déjà la chaleur est étouffante, j'arrive à peine à pédaler et suis péniblement Pierre. Je n'ai qu'une envie, m'arrêter et dormir, mais autour de nous il n'y a rien, pas un seul arbre pour nous offrir son ombre. Une station service est notre oasis. Pierre demande au patron l'autorisation de nous reposer dans le jardin, il commence lui aussi à se sentir barbouillé; nous accusons le kébab de la veille. Nous nous écroulons sur nos ponchos sur l'herbe. A peine allongés, un des hommes de la station nous apporte des matelas et des coussins, délicate attention. Au réveil, on nous apporte du thé, un grand pain, du fromage et des olives. Nous restons toute la journée nous reposer dans le jardin de la station, on nous offre à manger du riz et de la pastèque. C'est un moment incroyable, alors que nous sommes malades et découragés, le hasard du voyage vient nous soutenir, nous nourrir, nous reposer, comme une incitation à tenir bon. Nous passons la fin de l'après midi à discuter avec Yasar, le généreux propriétaire de la station service et Erdal, son ami.
Dans l'oasis de la station service, avec Erdal et Yasar
Devant un PC, nous nous faisons écouter de la musique turque et française. Je découvre avec jubilation qu'il existe un moyen de contourner la censure du gouvernement turc pour Youtube. Amateurs de déhanchés n'hésitez pas à aller regarder les clips très kitchs de la star turque Tarkan (un équivalent masculin et oriental à Shakira), on peut vous conseiller kuzu-kuzu ou Simarik.
Le soir, reposés, mais toujours pas très en forme nous quittons notre havre, sans trop savoir comment nous allons réussir à avancer. Encore un coup du destin, à peine quelques centaines de mètres plus loin, en bord de route, Kader semble nous attendre. Nous acceptons de bon cœur son invitation à grimper dans son camion. Les vélos sont posés sur des sacs de ciment, et hop! nous voilà dans la cabine moquettée de notre nouvel ami.
Dans le camion de Kader
Nous sommes très reconnaissants pour ces 50 km de route torride évités
Kader est jovial et le trajet agréable et animé, ponctué par un thé sur la route. Les kurdes aiment bien les français, nous assure-t-il. Kader parle turc, arabe et kurde, ce qui est courant pour les habitants de cette région frontalière avec la Syrie et l'Irak. Il a sillonné la Turquie, l'Iran, l'Irak, la Syrie avec son camion. Il nous laisse à Mardin et nous n'avons plus qu'à gravir une belle côte pour pénétrer dans le centre de cette ville perchée. Le hasard et la nécessité de trouver rapidement un logement font que, ce soir là, c'est dans un palais des milles et une nuits que nous dormons.
Sur la terrasse du caravansérail de Mardin
C'est l'ancien caravansérail de la ville, transformé en hôtel. Ce sont les voisins (de la boulangerie juste à côté de l'hôtel) qui négocient le prix de la chambre pour nous et nous invitent à venir manger chez eux. Nous posons nos affaires et l'on nous fait installer nos vélos dans une autre chambre! Nous pensons nous coucher sans manger tant nous sommes malades et fatigués, mais par politesse et reconnaissance sortons pour remercier nos voisins et décliner leur invitation. Ils insistent tellement que nous acceptons finalement de prendre un thé chez eux, mais, à peine installés sur leur petite terrasse qui donne sur la rue, voilà qu'ils nous servent tout un festin: soupe, macaronis, fruits et olives, gâteaux secs...! Le boulanger est très amoureux de sa femme qui est d'origine roumaine. Lorsqu'il parle d'elle il joint les doigts de la sa main vers le haut et fait un petit claquement de langue pour nous faire comprendre qu'il a de la chance, qu'il est heureux et vit avec une véritable perle. Sa femme respire la joie de vivre, elle est enchantée de discuter avec moi qui vient d'Europe (la Roumanie et la France, nous sommes des voisines!) et avec qui elle peut échanger quelques mots d'italien. Ils nous racontent leur histoire, leur mariage en Roumanie... Ils ont un fils dont ils sont très fiers. C'est une famille qui fait plaisir à voir, ils apprécient d'habiter dans une partie du caravansérail dont les murs sont en pierre travaillée et font près d'un mètre d'épaisseur, d'avoir un canari qui chante le matin, de pouvoir dormir sur la terrasse du toit depuis laquelle on voit la Syrie... Nous, qui voulions nous affaler sur un lit, passons une longue soirée d'échange avec une charmante petite famille cosmopolite.
Le lendemain nous sommes toujours malades. Une très courte visite de la ville le matin nous prouve qu'Eray ne nous avait pas menti, Mardin possède un charme particulier. La chaleur y est cependant accablante.
En soirée nous mettons nos vélos dans un minibus jusqu'à Hasenkieyf. Les vélos sont sur le toit et une musique traditionnelle très lancinante berce notre voyage.
Hasenkieyf sur les berges du Tigre
Le petit village d'Hasenkieyf offre un joli point de vue sur le Tigre encadré de falaises où se nichent des habitats troglodytes. Les ruines d'un pont du XIIème siècle mettent aussi en valeur le site. C'est un lieu de villégiature surtout fréquenté par des familles turques. Au bord du Tigre des cafés sur pilotis ont été installés, des enfants s'aspergent joyeusement dans l'eau plutôt boueuse du cours d'eau. Nous trouvons un petit café creusé dans la falaise où échapper à la chaleur. Dans le village, qui est minuscule, nous rencontrons un musicien traditionnel turc qui nous invite à prendre un thé, il nous demande, comme à l'accoutumée, si nous sommes mariés, ce à quoi nous mentons par l'affirmative (c'est plus simple), il nous demande alors si nous avons des enfants et s'attriste que nous n'en ayons pas, il nous invite à revenir à Hasenkieyf lorsque nous aurons une famille digne de ce nom, avec 5 ou 6 rejetons...
Le soir, à la nuit tombée le thermomètre de la montre de Pierre indique plus de 35°C. Nous passons une soirée difficile, sans énergie, sans appétit, nous arrivons à peine à avaler quelques pâtes. Difficile aussi de dormir entre les vaches et les ânes qui viennent éventrer notre poubelles et les coqs qui chantent près de la tente. A cinq heures du matin nous nous demandons si nous repartons en vélo, mais nous n'en avons pas encore la force. Nous reprenons donc un minibus qui nous conduit à Tatvan via Batman. Lors de ces voyages en minibus bondés, dans ces paysages arides, assommés par la chaleur, accompagnés par cette musique traditionnelle lancinante nous flottons comme dans des demi-rêves...
Paysage entre Midiyat et Hasenkieyf
Enfin il fait plus frais! Tatvan est à 1500 mètres d'altitude, au bord du lac Van, le plus grand lac de Turquie. Nous reprenons du poil de la bête. Les infos que nous avons récupérés par des amis et des contacts internet nous permettent d'envisager de passer en Iran. A Tatvan nous nous marions. Désolés, on avait pas le temps d'inviter tout le monde, ça s'est fait rapidement, on a négocié ferme les alliances auprès d'un petit vendeur d'or et nous voilà mariés pour de bon aux yeux des curieux. On divorcera sans doute avant notre retour, dès que l'on repassera dans des pays plus progressistes...
Nous nous renseignons auprès de la compagnie locale pour traverser le lac en bateau. A 7 heures du matin à l'embarcadère le gardien nous affirme que le bateau partira à midi. Nous revenons donc à midi à l'embarcadère. Les employés du bateau se reposent, jouent au cartes ou regardent la télévision. C'est le vieux port de Marcel Pagnol, version kurde. Ils nous nous annoncent que le bateau traversera finalement à 19h, et que l'on peut se reposer ici en attendant! La traversée de nuit perdant tout son intérêt et ayant un contact à rencontrer à Van dans la soirée nous décidons de prendre à nouveau un bus pour Van. Comme mon porte bagage avant frotte sur la roue, on se lance dans une réparation, mais très vite un attroupement se forme et un des hommes de la compagnie nous prend le tournevis des mains et décide de prendre en charge les opérations. Avec Pierre nous assistons, amusés, à des chamailleries entre eux sur la stratégie à adopter pour redresser le porte bagage. Ils nous font cadeau de colliers de plombiers qui nous seront bien utiles par la suite et finalement l'un d'entre eux parvient à rafistoler le porte bagage retors et nous invite à prendre un thé. En repartant dans la ville, nous faisons une nouvelle rencontre. C'est un kurde originaire de Tatvan, mais qui vit tour à tour en Europe, en Inde ou à Dubai car il est chef cuisinier pour une chaine d'hôtels de luxe. Il parle parfaitement l'anglais, le turc, le kurde et l'hindi. Nous pique niquons avec lui et il négocie pour nous un bus pour Van.
Nous arrivons le soir à Van. C'est une ville plus grande et qui nous semble assez "branchée". Nous sommes déçus car notre contact dans la ville nous a donné un mauvais numéro de téléphone. Le lendemain nous reprenons enfin les vélos. Ce sont trois journées de belles routes de montagne qui nous attendent jusqu'à la frontière iranienne de Sérou.
Lac artificiel du barrage Zernek
Pause thé dans une station service
Bivouac avant le col de Guzeldere
Ça nous fait très plaisir de pédaler à nouveau dans un bel environnement. Le deuxième jour, un camion s'arrête pour nous prendre dans une longue côte. Nous acceptons. Le voyage nous a apprend à profiter des opportunités. Dans le camion d'Ahmet, qui transporte du ferraillage, nous franchissons un col à 2700 mètres. Nous sommes presque déçus de ne pas l'avoir gravi à la force de nos petits mollets tant la vue dans les lacets est merveilleuse.
Cependant si nous avions refusé nous aurions ratés de très bon moments! On se souviendra d'une belle ligne droite, avec de la musique traditionnelle iranienne à fond les ballons, et d'une pause thé préparée dans le coffre-cuisine aménagé sous le camion!
Ahmet nous dépose à contre cœur dans le village de Baskale. Juste le temps pour nous de faire quelques courses pour notre pique nique de midi et de passer au cybercafé. On veut partout nous inviter à prendre le thé et à discuter, au cybercafé, chez le vendeur de fruits puis au petit market. Le jeune homme qui nous aborde au market parle un impeccable anglais. Il est d'ici, mais est allé étudier 2 ans à New-York. Nous nous installons avec une dizaine d'hommes du village autours de table près de la terrasse. Notre nouvel interprète nous parle des kurdes et nous donne les noms kurdes des prochaines villes que nous allons traverser. "Si vous appelez les villes par leur nom kurde, vous vous attirerez la sympathie de leurs habitants". Nous assistons ensuite à une scène digne du "parrain". Une voiture arrive, un homme descend du véhicule escorté par un autre homme armé. Pour l'accueillir, tous les hommes se lèvent (nous en faisons autant). Notre interprète nous apprend que c'est son oncle, le potentat local et qu'il se déplace toujours avec un garde du corps pour se protéger d'une vengeance familiale... L'oncle s'assied et tout le monde se rassied. Il entame une partie de tric trac et lance de temps en temps des remarques ou des questions à notre attention. Après deux thés et un long moment d'échange nous décidons de repartir. Notre ami nous invite à revenir quand nous voudrons à Baskale, il se fera un plaisir d'être notre hôte. Il nous conseille de ne pas oublier de dire au revoir à l'oncle... ce que nous faisons, pas la peine de s'attirer les foudres de ce parrain kurde...
Il est déjà 16h et entre toutes les sollicitations pour parler ou prendre le thé, nous n'avons pas eu le temps de déjeuner. Nous nous abritons du vent et des généreux kurdes pour grignoter un peu de pain, une saucisse sèche sans porc et quelques abricots. Notre route continue dans une vallée qui longe une rivière au lit tressé. Nous bivouaquons près de la rivière et avons même le luxe d'une douche sous une cascade le lendemain.
Rafraichissant et agréable
Dans la ville de Yuksekova, où, une fois n'est pas coutume, la population est plutôt hostile à notre égard, un poste militaire nous accueille à l'entrée et il faut présenter notre passeport à un autre poste à la sortie. La présence militaire, déjà plus marquée depuis Diyarbakir, se densifie à mesure que nous approchons de la frontière. Nous croisons de nombreux autres bastions militaires avant de nous arrêter, quelques 20 km avant la frontière iranienne. C'est notre dernière nuit en Turquie et nous bivouaquons dans un vallon à l'écart de la route. Le lendemain je sors mon "équipement iranien": une chemise à manche longue et un foulard à mettre sous le casque... Pas très pratique. Heureusement nous n'avons pas prévu de pédaler beaucoup en Iran, nous comptons continuer en bus dès que nous aurons atteint la première grande ville. La chaleur et un visa de 15 jours nous ont décidés à changer notre mode de voyage dans ce pays que nous appréhendons un peu mais qui nous intrigue beaucoup.
Équipement de cycliste iranienne avant la frontière
Quelques tours de roues en Cappadoce
Nous arrivons en bus à 6h30 du matin à Nevsehir. Pas très réveillés, nous nous apercevons, au moment où le bus redémarre, qu'une de nos sacoches est restée dans la soute. Pierre court après le bus, en vain. Notre réchaud et notre matériel pour réparer nos vélos s'éloignent sans s'arrêter. Nous les croyons perdus, mais finalement nous sommes seulement quittes pour trois heures d'attente, jusqu'à que le bus repasse dans l'autre sens.
Nous commençons à pédaler vers onze heures. Par rapport à la côte méditerranéenne, nous avons pris de l'altitude (environ 1200m) et la température est tout à fait supportable même en pleine journée. Quel plaisir! Nous nous arrêtons manger dans une petite échoppe qui ne fait que des kébabs comme ceux que l'on a l'habitude de voir en France : les fines lamelles de viande qui rôtissent sur une broche verticale. En effet, en Turquie, la plupart du temps, "kébab" désigne une viande hachée épicée grillée sur une brochette. Nous sommes reçus par un Turc très amical qui parle français. Nous décidons, non sans une petite appréhension de lui confier nos vélos pendant que nous visitons la ville souterraine de Kaymakli. C'est un réseau impressionnant de galeries s'ouvrant sur de nombreuses pièces, creusé à même la roche et utilisé comme cachette entre le VIème et le IXème siècle par les chrétiens. Cette ville souterraine ne compte pas moins de sept étages en profondeur, claustrophobes s'abstenir. Les pièces ont de nombreuses ouvertures sur différents couloirs qui s'entrecroisent, c'est labyrinthique et très ludique! Après notre visite, nous retrouvons notre monture qui nous a sagement attendue plus ou moins surveillée par notre ami turc qui en en l'occurrence, n'était plus là!
Canyon avant Bascoy
Grimpe à Olympos
Du 14 au 21 juin,
Olympos: une semaine de vacances et d'escalade entre amis, que c'est bon!
Au début nous sommes un peu surpris par le site d'Olympos, entièrement consacré au tourisme. Un tourisme de 'djeuns' ou de routards. Des campings ou bungalows de bois, des boîtes...Nous avons élu domicile pour la semaine chez Kadir Tree House, un grand complexe de bungalow en bois à l'ambiance très internationale où nous sommes en demi pension. Pour nous c'est le grand luxe, douche, lit confortable, petit dej et repas bons et copieux. En contrepartie il faut supporter la musique jusqu'à 4h du matin...
Maisons de bois de Kadir
Sans contraintes nous pouvons à loisir nous adonner à la grimpe! Waouh! Olympos compte plusieurs petits sites, qui suffisent amplement pour bien nous occuper pendant une semaine. L'escalade est variée, nous alternons de la dalle, du 'gros bras', des colonnettes...
Sophie dans la dalle du secteur Cirali/ Vue du secteur Kabe de Cirali
Pierre et Cyrille grimpent dans le secteur Orange
Cyrille passe une 7a
Après l'escalade le réconfort, nous partageons des gözlemes (crêpes turques), des pâtisseries. Nous nous baignons dans un cadre superbe.
Ipek Pastanesi, où l'on déguste de délicieuses pâtisseries orientales...
Merci encore Sophie et Cyrille pour cette belle semaine de vacances et pour tous les services que vous nous avez rendus (réapprovisionnement en livres, récupération de notre matériel d'escalade,...). Nous nous sommes sentis tout seuls quand vous êtes partis.
Tout au long de la semaine nous avons suivis l'actualité iranienne : les manifestations violentes qui ont lieu dans le pays suite la réélection contestée du très conservateur Ahmadinejad nous font nous poser des questions sur la suite de notre voyage.
Nous repartons à vélos mais nous arrêtons avant Antalya dans la station balnéaire de Kemer où nous réservons un bus de nuit en direction de la Cappadoce. Toute le journée, nous observons une autre forme de tourisme sur la côte méditerranéenne, le tourisme de luxe en hôtel club où tout semblent compris. Sur environ 7km de côte, les hôtels quatre étoiles minimum se succèdent sans interruption et sans aucune harmonie. Quand enfin nous atteignons une plage publique quelle déception, elle est sale et laissée à l'abandon. Pour avoir droit à un bout de plage propre, il faut loger dans un hôtel. Comment font les habitants de Kemer?
La journée est aussi l'occasion de dénicher un petit garage où l'on nous usine spécialement une petite pièce de métal qui s'était cassée sur un porte bagage avant.
Challenge " Plastic tomates"
Comme nous en avons pris l'habitude pendant notre semaine à Pastoral Vadi, nous nous levons à 5h45 pour pédaler "à la fraîche". Nous quittons Eray et Askin avec un petit pincement au cœur et le sentiment d'interrompre une relation d'amitié qui en d'autres circonstances aurait pu se développer. Malheureusement, c'est un sentiment récurent pendant le voyage.
C'est parti pour 260km en trois jours, nous devons être à Olympos dimanche pour retrouver Cyrille et Sophie. C'est pour nous un petit challenge.
Nous faisons un premier arrêt à Fethiye pour un petit déjeuner de crêpe et de jus d'orange pressées devant nous, au même endroit que la semaine précédente. Nous en profitons pour aller observer des tombes lyciennes, monuments creusés à même la falaise quatre siècles avant J-C.
Nous reprenons ensuite la route jusqu'à ce que, vers 10h, la chaleur devienne intenable. Nous nous réfugions alors dans une sorte de petit "resto route" à l'ambiance très cosy. Que c'est agréable de se retrouver à l'ombre sur des coussins autour d'une table basse, d'être accueillis par un jeune couple turc très sympathique qui après le repas nous offre de bon cœur des mures de murier, des prunes de son jardin... Vers 16h, nous quittons notre havre de paix, le soleil est encore haut mais à entamé sa phase descendante. En fin d'après-midi, nous arrivons dans une large vallée couverte de serres où poussent majoritairement des tomates. Éparpillées au milieu des serres, des habitations faites de bric et de broc, oserais-je dire taudis, où logent des ouvriers agricoles. L'ambiance est on ne peut plus glauque: des serres, quelques barres en béton, une mosquée, un supermarché bien achalandé en alcool, semblent être les seuls éléments constituant cette étrange ville. Quel contraste avec notre ferme biologique de Pastoral Vadi! C'est incroyable qu'il y ait besoin de serres pour gagner en rentabilité dans un endroit si chaud. Nous qui transpirons à l'extérieur, nous n'osons pas imaginer ce que doivent être les conditions de travail des ouvriers dans cet enfer agricole. Et dire que bien souvent lorsque nous mangeons des tomates nous entretenons un tel système... Nous fuyons cette "plastic city", qui a pour nom Knidis, alors que la nuit tombe, à la recherche d'un bivouac dans un lieu moins oppressant... Alors qu'il fait déjà bien nuit, nous nous étendons sommairement sous un olivier pour une courte nuit à la belle étoile. Nous avons parcouru 102km.
Pastoral Vadi: première expérience dans une ferme biologique
Du 5 au 12 juin,
Après une nuit agitée dans un bus, nous arrivons enfarinés dans la petite ville touristique de Fethiye à 7h30.
Petite parenthèse sur les bus. Les turcs ont, selon toutes apparences, de grandes exigences de confort et de moelleux. Le sol des mosquées est recouvert d'épaisse moquette, les fauteuils où l'on prend le thé ont toujours leur petit coussin, les cafés sont remplis de tapis. Une exception: les bus. On y passe pourtant une nuit complète pour rejoindre les différentes villes si éloignées de Turquie; mais ils ne sont pas plus confortables que des bus de jour que l'on trouve classiquement en France. Ils n'ont par exemple rien à voir avec les confortables bus qui sillonnent l'Amérique latine. Les bus sont l'exception turque au confort moelleux.
C'est vendredi, le jour du marché, nous observons les étals qui finissent de se monter, de grandes toiles sont étendues pour protéger du soleil les producteurs, parfois assis à même le sol, qui présentent leurs récoltes. Nous nous demandons quels sont les fruits et légumes qui sont cultivés dans la ferme où nous allons travailler.
Marché paysan de Fethiye
Nous prenons une crêpe turque (appelée gözleme) banane et chocolat et un thé pour notre petit déjeuner. La cuisinière à qui je donne les 4 liras turques semble gênée. Elle appelle son collègue qui parle anglais. A ma grande surprise, il me demande de reprendre mon argent et de le déposer sur le sol. "It's first money, it's an old Turkich tradition, we don't touch first money". Les 4TL sont donc par terre... mais, si le sol turc n'est pas couvert de pièces c'est qu'elles sont ramassées lorsqu'un deuxième client a payé. On nous dessine un plan pour nous rendre à la ferme "Pastoral Vadi" (vallée pastorale en français) qui est à une dizaine de kilomètres de là. Il est à peine huit heure et le soleil commence à sérieusement chauffer. Le domaine écologique d'Ahmet Kizen se niche au fond d'une vallée fertile le long d'une rivière où poussent des fleurs multicolores et où abondent les jardins.
En fait il s'agit plus d'un domaine dédié à l'écotourisme qu'à la production agricole biologique. Les touristes -ou guests- y sont logés dans des maisons construites selon des méthodes traditionnelles et écologiques: soit en bois, soit en pierre, soit en terre.
En tant que volontaires, logés et nourris en échange de notre travail, nous continuons à utiliser notre traditionnelle maison écologique: notre tente.
Maison écologique en pierre
Maison écologique en bois (le double toit permet l'évacuation de la chaleur)
Maison écologique en terre
Notre maison écologique à nous, près de l'alambic pour faire les huiles essentielles. Derrière la palissade, le compost.
Une dizaine de personnes participent de près ou de loin au bon fonctionnement de cette ferme. Ahmet en est le propriétaire et le fondateur. Une cuisinière et une intendante s'activent à la cuisine et s'occupent des guests. Nous travaillons aux champs avec Eray et Askin qui sont responsables des cultures. Ils ne sont là que depuis un mois et ont la charge de d'étendre le potager. Un paysan voisin vient aussi régulièrement travailler. Des amis qui apparaissent et disparaissent donnent des coups de main. On ne comprend pas toujours leur lien avec la ferme.
Les repas sont pris en commun dans une cuisine en plein air savamment conçue pour rester fraîche (double toit qui permet d'évacuer la chaleur, circulation d'eau à proximité, verdure...). Une cuisinière y prépare des repas savoureux et sains issus des produits bio de la ferme. Les repas sont quasi exclusivement végétariens.
Une assiette de petit dej'
Notre travail a la ferme durant la semaine a été plutôt répétitif et assez pénible. Il fallait préparer la terre des champs pour les rendre cultivables. Les champs ont été d'abords broutés par des moutons (!) puis labourés (avec une charrue menée par un cheval) et nous nous occupons de les bêcher et de finir le désherbage. On a appris rapidement un nouveau mot turc "çapak" (bêcher). Tous les matins entre 6h et 8h30 environ et tous les soirs de 17H30 à 20h30 nous cassons les mottes et faisons de petits tas des racines et de pierres. Une ampoule ouverte sur la main m'a permis d'obtenir une tâche alternative: la brouette "el arabate". Armée de ma fourche, je brouette les monticules de racines jusqu'au compost. Nous avons vite mal au dos et derrière les cuisses... Nous sommes aussi piqués par de nombreux insectes. Pendant deux ou trois jours j'ai une cheville enflée pour cause d'une piqûre. Askin, avec qui nous travaillons me dit que ce doit être un petit serpent! Pas facile la vie "bio".
On regrette un peu aussi de ne pas en apprendre plus sur les méthodes de production biologiques et de ne pas avoir une visite détaillée de la ferme. Mais nos collègues débutent dans le domaine et la barrière de la langue ne permet d'aborder des détails techniques.
Le champ à bêcher et la brouette...
Eray cueille du millepertuis pour le mettre à sécher
Dégustation de mûres
Eray et Askin ont rapporté une bouteille de vin pour notre dernière soirée